HP et tous les autres : pourquoi déteste-t-on se relire ?

les élèves n’aiment pas se relire pour les raisons suivantes

relecture / relecture orthographique

  1. fatigue et vigilances accrues en fin de travail
  2. croyance que la relecture ne permettra pas d’amélioration
  3. réalité d’un manque d’amélioration dans certains cas (par exemple, puisque le cerveau enregistre le contexte de création d’une démarche de pensée qui prédomine sur la trace écrite, lorsque l’on relit il arrive que l’on ne perçoive pas les erreurs et les oublis parce que la mémoire récente remplace ou corrige le problème : on pense donc que puisqu’on laisse des erreurs en relisant cela ne sert à rien de relire / lorsqu’on relit directement après avoir produit un devoir, notre cerveau peut croire que certains mots sont présents dans l’écrit alors qu’on les a oubliés)
  4. problème lié à l’estime de soi : se relire c’est se confronter à ses erreurs, à la faiblesse de son travail et c’est donc difficilement supportable ou en tous cas peu agréable
  5. les HP et la relecture : certain.e.s personnes à haut potentiel (et quelques autres, notamment les perfectionnistes évoqués à la fin de ce paragraphe) n’aiment pas revenir sur un écrit parce que la répétition ne les stimule pas du tout – le cerveau passe au traitement d’autres réflexions / parce qu’écrire est très frustrant à cause d’une réduction de la pensée multiple, et que relire un écrit que l’on trouve peu intéressant, peu pertinent par principe et mauvais dans l’ensemble ne présente aucun intérêt / parce que relire, pour les perfectionnistes, pousserait nécessairement à l’identification de problèmes qu’il faudrait alors résoudre et le travail n’aurait pas de fin, ce qui reconnaissons-le est un peu angoissant…
  6. tout changer en fin de devoir n’est pas possible, donc « autant laisser comme ça » (c’est un prétexte, certainement, pour éviter un trauma de relecture, mais c’est ce qu’on entend souvent en témoignage dans les classes à partir de la fin de cycle 4 jusqu’à l’université)
  7. la culture française scolaire a tendance à ne pas réussir à mettre en avant la pédagogie de l’erreur : on préfère balancer tout sur une feuille en vitesse et regarder ailleurs (pour entendre ensuite que l’on bâcle notre travail, pour se retrouver avec une estime de soi encore abaissée, donc pour bâcler encore davantage, ad libitum)
  8. le cerveau relit naturellement le texte sous un aspect sémantique (ce qui est effrayant ou décourageant – voir ci-dessus), or une relecture orthographique ne procède pas de la même intension, mais les relectrice.teur.s ont la croyance que cela ne changera rien, d’où un investissement de surface aux demandes de relecture en classe (on fait semblant)
  9. les demandes de relecture dans la scolarité sont souvent déconnectées d’une réelle démarche et d’une réelle expérimentation de la part des enseignants – qui au fond répètent une injonction culturellement partagée mais qui ne fait sens qu’auprès des élèves les plus performant.e.s et adapté.e.s : pour la majorité des autres élèves, tant qu’il n’y a pas preuve de l’intérêt d’une relecture, il est de mise de faire semblant de relire pour se conformer aux injonctions des enseignant.e.s… comme les enseignant.e.s se satisfont de cette illusion et ne font pas méthodologiquement travailler la relecture parce qu’elle.il.s en ignorent le plus souvent les obstacles et les rouages, tout le monde continue ce jeu sans approfondir ou remettre en cause cette démarche.
  10. la croyance selon laquelle « j’ai écrit ce texte, donc pourquoi est-ce que je pourrais le corriger puisque ce sont mes erreurs » est forte parmi les élèves les plus fragiles scolairement qui n’aiment pas relire un travail qu’ils considèrent comme mauvais par principe tandis qu’ils ont souvent tendance à assumer la qualité médiocre de leur production. Elle.il.s montrent ainsi qu’elle.il.s méconnaissent les fonctionnements du cerveau qui peut, par décentration, relire une production et la corriger alors que le relecteur est à l’origine de cette production (se référer au problème des implicites peu maitrisés par les élèves les plus fragiles scolairement + croyances scolaires morbides).
  11. cette croyance est accentuée par une ignorance du fonctionnement vis à vis de l’orthographe : beaucoup d’élèves et d’adultes pensent que se relire est inutile pour corriger ses erreurs car elle.il.s ignorent les deux aspects que sont l’orthographe pour l’oreille (phono) et pour l’oeil (lettres muettes, accords muets…). L’oeil repère des erreurs qui n’avaient pas été gérées par le cerveau lors de l’écriture (c’est alors l’orthographe pour l’oreille qui prédomine, avec un traitement à dominante phonologique de l’écriture), montrant bien qu’en position de relire on se trouve en quelques sortes face au même texte que celui que l’on écrit, bien sûr, mais que notre cerveau le traite de façon différente.
  12. pour tromper ces croyances il convient, pour une bonne relecture orthographique, de proposer aux élèves de  relire un extrait, au début, et ce de façon non chronologique pour couper le lien fort avec une relecture qui serait juste sémantique. Relire seulement l’orthographe pour l’oeil devient alors possible (même si des éléments orthographiques sont macrotextuels, on peut convenir qu’ils ne sont pas prioritaires face à l’urgence de travaux très peu policés au niveau orthographique).
  13. Le cerveau a aussi tendance à se fixer de façon prioritaire sur l’orthographe lexicale, or les élèves croient qu’ils ne peuvent pas écrire un mot juste orthographiquement s’ils ne connaissent pas son orthographe (manque de confiance dans des démarches de mise en lien étymologique, ou d’accès à la mémoire scripturaire des mots – écrire de plusieurs façons un mot pour choisir la version qui nous semble la plus familière). Les élèves pensent sans en avoir conscience qu’il est d’abord important d’écrire juste les mots, alors que les problèmes principaux de l’orthographe se situent ailleurs (cela est dû entre autres à la prédominance du sémantique lexical sur l’organisation syntaxique et à l’ordre d’apprentissage : historiquement les élèves en cycle 2 sont d’abord confronté.e.s à l’orthographe des mots vedettes – à apprendre, écrire, et les élèves les plus en difficultés restent bloqué.e.s, souvent, sur leurs problèmes à ce niveau et s’interdisent d’accéder aux questions d’accords et d’homophonie qui leur semblent secondaires et qui sont plus complexes).

conclusion

Relire cela s’apprend car non seulement ce n’est pas naturel ou instinctif, mais en plus cela touche à des émotions fragiles dans notre système scolaire et notre culture.

Faire relire les élèves, cela s’apprend également…

Si je n’aime pas me relire / ne sais pas me relire avec une démarche efficace, c’est normal ! je ne suis pas débile ou fainéant mais bien normal : en revanche, avec un travail rapide et quelques expériences, je peux m’apercevoir que je sais améliorer mes productions écrites (et à coup sûr une partie de mon orthographe lorsque c’est en jeu) !

article sous licence creative commons / Pascal Duc / ADAPSCOL

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