L’environnement scolaire est complexe pour tous les élèves, et on peut penser raisonnablement que pour tou.te.s les enseignant.e.s aussi… (une plaisanterie consiste à préciser que, comme les gardiens de prison qui sont aussi, dans une certaine mesure, en prison, les profs sont aussi pris dans le système scolaire).
Pas trop la peine de faire une enquête poussée pour constater que les enfants et ados à haut-potentiel subissent des violences de par le monde scolaire.
On peut décider que c’est la faute à l’institution, à celles et ceux qui y travaillent et le tour est joué. Mais c’est un jeu de dupe, car décider que les autres sont la cause de tous nos maux ne répare pas et ne prépare pas à la suite d’une vie épanouie.
Bien entendu, il est nécessaire de commencer à penser que ce n’est pas de notre faute si l’on souffre dans sa scolarité : c’est fondamental (et il faut du temps pour l’intérioriser).
Mais, de même qu’accuser les parents d’enfants qui ont des difficultés psychologiques ne mène à rien (et il faut être persuadé.e que ce n’est réellement pas de leur faute pour accompagner une famille), mettre tout sur le dos des enseignant.e n’avance pas à grand chose et crée des situations de blocages qui n’aident personne (perdant-perdant).
Le problème c’est la notion de « faute ». Lorsque je souffre, c’est parce qu’il y a eu des maladresses, des erreurs, des manquements, des problèmes, des violences. Pour travailler sur cette souffrance et continuer à avancer à peu près d’aplomb, il est important que je reconnaisse les faits qui ont mené à cette situation de souffrance (cf. les démarches de communication non violente de M. Rosenberg). J’ai le droit de ressentir des émotions vis à vis de ces faits et de communiquer à leurs auteurs ces émotions et la souffrance qui en a découlé. Ce qui est libérateur, c’est de travailler ensuite sur ce qui va me renforcer dans cette identification de causes de mes souffrances, pour éviter / lutter / modifier / anticiper / ruser face à ces faits. La démarche qui consisterait à militer pour chercher à faire condamner les auteurs de mes souffrances ne m’aidera pas et m’empêchera de trouver des ressources en moi pour éviter que cela ne recommence. Que les choses soient dites, c’est nécessaire – qu’il y ait haine, punition, violence de retour… cela va renforcer mon côté « victime » qui inconsciemment cherche à se retrouver « bourreau » de mon ancien bourreau pour réparer. Or cela ne répare rien du tout.
Je ne peux pas faire changer tous les environnements, permettre à tou.te.s les enseignant.e.s d’être formé.e.s, empathiques, disponibles, thérapeutes, pas plus que je ne peux renaitre dans une autre famille ou balayer mes camarades d’un revers de manche pour en choisir et en mettre d’autres à leur place…
Cool : ce n’est pas ma faute, mais le monde entier ne va pas se mettre à mon aplomb pour sauver ma peau… alors ? on regarde des épisodes des Bisounours en boucle et on pleure ?
Cela ne signifie pas qu’il faut attendre dans un environnement toxique coûte que coûte qu’un miracle vienne sauver mon enfant (HP ou pas) : on dit ce qui ne fonctionne pas, on cherche à modifier ce qu’on peut pour aider son enfant, on mesure ses efforts (souvent en amont de la situation, normal qu’on ne lui demande pas de tout changer quand il souffre !) et on l’oriente pour qu’elle.il puisse trouver des outils d’adaptation plus efficaces. Si ce n’est pas possible, on joue notre carte ultime : on le fait changer de milieu scolaire.
Quel meilleur signe que de celui de montrer qu’on protège son enfant mais qu’on lui fait aussi confiance pour qu’il s’en sorte dans la vie de façon autonome ? dégommer les obstacles, pourrir les ennemis potentiels, faire place nette, c’est fabriquer par maladresse, bienveillance et amour un enfant roi qui ne sera pas très autonome et fort dans la vie sociale d’adulte qu’il est en train de devenir. Lui montrer qu’une amélioration de la situation vient aussi de lui c’est le rassurer : le monde n’est pas un bloc hostile contre lequel il faut lutter en permanence : chacun peut apprendre à rassembler des moyens de survivre puis de vivre, à condition de ne se croire ni roi outragé ni nullité immuable…