Les élèves sont morts, vivent les jeunes !

Comment penser la suite de ces élèves qui ont vécu plusieurs semaines de cours à la maison et une fin d’année scolaire plus que chaotique ?

Celles et ceux qui conjuguaient avec confiance avenir, notes, résultats, risques d’être nié si on perdait des points, compétences nécessaire à leur monde et qui croyaient que les adultes étaient tout-puissants se sont perdu.e.s, consciemment ou inconsciemment dans des labyrinthes de questions sans réponses. Les adultes leur avaient promis que s’ils travaillaient bien tout irait bien, et c’est le monde des adultes qui s’écroule ! Déjà qu’on leur offre une planète toute flétrie avec un sourire gêné et avec la simple mission de la sauver du désastre (maman et papa ont un peu tout cassé mais ça va aller, n’ait pas peur – on te laisse tout ranger parce qu’on est trop vieux pour assumer, nous ont a des sous à compter !).

Il y en a qui ont bien travaillé, bien fait leurs devoirs mais qui ont senti leur univers vaciller, entre deux visioconférences qui laguent et des messages administratifs incohérents, au milieu de tonnes de travaux lancés en masse ou perdus dans les vides interstellaires d’un emploi du temps très diminué. Ces élèves ont nécessairement perçu un élément fondamental : les enseignant.e.s a priori tout.e.s puissant.e.s sont troublé.e.s, dépassé.e.s. Les profs sont perdus parce que leurs repères, leurs certitudes ont explosé – ils ont continué du mieux possible, la plupart du temps, mais en se rendant compte qu’ils n’avaient aucune maitrise sur l’intérêt des élèves. Si mes élèves ne sont pas obligés de venir en cours, alors ils cessent peu à peu d’y venir – croient-ils encore, ces élèves et leurs enseignant.e.s, au système scolaire tel qu’il se vit en France aujourd’hui ?

Et celles et ceux qui ont arrêté de renvoyer les travaux, qui ont fini par fréquenter seulement de temps en temps les moments d’échanges pour faire acte de présence, les yeux sur une autre fenêtre de l’ordinateur ou sur un écran de jeu – même pas drôle de jouer pendant une heure de cours sans risque d’une intervention de l’adulte ! Pas de réelle transgression sans une autorité définitivement décrédibilisée. Quels repères vont-ils construire puisqu’ils ont fait ce qu’ils voulaient, ces élèves, et n’en ont tiré ni remarque rassurante (tu vaux mieux que cela ! bouge-toi ! on t’aime, sors de tes jeux et on vient avec toi pour vivre la réalité) ni gloire, ni même aucun plaisir ?

Une terrible vérité a surgi : on peut se passer de cours, d’école, de profs, de notes, et pourtant rien ne change vraiment alors que tout a changé… quelle confusion n’a pas pu naitre de cette expérience ultime de l’aspect vain de toute une morale qui pousse chacun et chacune à passer des années les fesses sur des chaises peu confortables : en fait on peut le faire de chez soi. Et si on choisit ce qui nous intéresse on s’ennuie profondément et on finit par ne plus choisir de faire quoi que ce soit sinon de faire semblant… Maintenant ce sont les enfants qui entourent la maitresse et qui la rassurent : c’était bien quand même les cours à distance, ce n’est pas grave maitresse, ne pleure pas même si tu dois gérer des conditions ineptes, tes propres élèves à garder, des cours en ligne – les psychologues vont avoir un drôle de travail !

L’école sans les copines et les copains, les ami.e.s, ce n’est peut-être, au final que du vide qui joue à faire croire qu’il remplit… ce n’est plus l’ère du savoir, c’est l’empire de l’aérophagie – des informations dont on se gonfle pour les évaluations et qu’on restaure ensuite aux vents de la vie de façon distraite, un peu coupable.

La vérité que les enseignant.e.s reçoivent en pleine tête est la suivante : si le collège, ou pire, le lycée n’étaient pas obligatoires, une grande quantité d’élève finirait par faire défaut, parce que ces institutions ne sont plus pour nos enfants un repère, un espoir, une source de richesse, un tremplin pour progresser et grandir : ils sont peu nombreux les élèves qui préféreraient suivre tous les cours plutôt que d’avoir des notes au rabais sans rien comprendre et sans rien retenir – tant qu’on a le diplôme qui nous intéresse !

Où est le rêve, où est la musique, où est la danse, où sont les regards émerveillés des enfants et des adolescents ? Qu’est devenue la folie des jeunes filles, celle des jeunes garçons ? Ne forgeons-nous que des futurs travailleurs et des futures travailleuses au lieu de former des futurs citoyen.ne.s ? Les avons-nous enfermés dans nos mains d’adultes ? les avons-nous étouffés en croyant les protéger ? Quelle liberté pouvons-nous leur offrir aujourd’hui ? Celle de voir leurs parents regarder les vieux mourir sans un mot et sans une présence dans des EHPAD transformés en camps retranchés ? Celle de se croire des héros de pixels ne sauvant que des mondes virtuels ?

Souhaitons-leur, aux jeunes, de savoir encore s’envoler vers leur destin et non celui que nous leur avons tracé : le nôtre, de destin, semble moribond, déconstruit par la peur de notre propre reflet et la seule ombre d’un virus. Vivent les jeunes qui vont s’envoler, les autres sont déjà vieux.

Pascal Duc / accompagnateur de changements

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