Profession et héritage scolaire : n’est-il pas temps de poser son sac d’écolier quand on entre dans le monde du travail ?

Presque tout le monde a un vécu scolaire. Cette expérience n’a pas nécessairement été chaotique : il en reste des anecdotes, quelques souvenirs de victoires ou de défaites, pas mal d’impressions en demi-teinte d’avoir juste fait son chemin comme tout le monde… Il y aurait à dire, pourtant, des relations de cours de récréation, des premières amitiés, des amourettes et des amours. C’est dans le monde scolaire, de plus, que l’on découvre les agissements des adultes qui ne sont pas de notre famille : comment fonctionne donc un adulte ? A-t-il peur ? Sait-il réagir sereinement face à des enfants ? Pouvons-nous le déstabiliser, devons-nous le craindre ? Toutes ces personnes qui s’occupent de nous année après année sont-elles plutôt rassurantes ou inquiétantes ? Me donnent-elles envie de devenir adulte de cette manière ou, au contraire, de forger d’autres comportements, d’autres valeurs et d’autres manières de projeter ma vie ?

Dans notre scolarité il n’y a pas seulement eu des adultes et d’autres élèves. En effet, une personne en construction nous a accompagné.e sans cesse, et cette personne c’est nous-mêmes.

Ai-je traversé ces années sans réfléchir, sans prendre du recul, sans chercher à comprendre pourquoi j’échouais ou je réussissais ? Ai-je fait ce qu’on me demandait sans regimber ou ai-je résisté en faisant le dos rond, attendant que tout cela passe jusqu’à ce qu’on dise où il fallait que j’aille, jusqu’à ce qu’on décide ce que serait mon orientation ?

Au contraire, ai-je vécu ces quelques onze à quinze ans comme une lutte ?

  • lutte pour survivre aux autres (ai-je été victime des relations de groupe et personnelles ? Ai-je dû devenir bourreau à mon tour ou me suis-je oublié dans un rôle de sauveur pour trouver une place moins inquiétante et plus valorisante ?)
  • lutte pour survivre aux contenus scolaires, aux cours et aux apprentissages (la lutte est parfois dans l’ennui, dans le refus de faire ce qui est demandé, dans l’incapacité de se tenir « tranquille », dans l’incapacité d’apprendre ou de retenir, dans les doutes et les incompréhensions, dans les vides terribles et les stratégies d’évitement et de contournement face aux exigences et aux attentes enseignantes).
  • lutte pour survivre à moi-même, ou plutôt au jugement que je me forgeais peu à peu : au même moment où l’on passe de l’enfant naïf et enjoué à l’ado soucieuse ou soucieux de sa personne, de son physique et de ses marques de vêtements, on doit aussi traverser des abîmes émotionnels concernant notre niveau, nos compétences, nos réelles capacités, notre avenir, nos chances de s’en sortir ou de rester sur la touche avec celles et ceux qui ont échoué leur entrée dans la vie.

La situation scolaire joue sans le savoir le rôle d’un horoscope professionnel : on se souvient généralement toutes et tous de l’élève qui était populaire, reconnu.e par les autres, admiré.e voire aimé.e pour ses manières d’être à l’aise, d’avoir une répartie assurée, de maitriser parfaitement le mode d’emploi relationnel permettant de se faire plaisir dans les groupes de notre âge et dont la connaissance nous manquait si cruellement parfois. Cet.te élève pouvait être performant.e ou non, qu’importe : tout le monde avait en tête l’idée que cette personne s’en sortirait de toutes manières dans la vie. C’était bien entendu une simple croyance, et en recroisant des pauvres gens abîmés par la vie on a parfois peine à reconnaître celle ou celui qui avait tant d’influence sur son entourage à 8, 12 ou 16 ans. Les mieux intégrés, si tant est que leur estime d’eux ait pu rester à la hauteur de leur popularité, ne sont pas tant jalousé parce qu’ils sont au centre de la vie de groupe des enfants et des adolescents, mais surtout parce qu’ils font croire qu’ils s’aiment et qu’ils ont confiance en eux, supériorité suprême sur la foule bêlante et apeurée de la foule des élèves dits « lambda ».

Il n’est pas rare non plus que des élèves en échec scolairement, pas toujours bien dans leur peau soient touché.e.s par la grâce d’une orientation pertinente, d’un intérêt soudain pour une voie empruntée avec timidité et finalement parcourue avec les promesses d’un avenir radieux. Lorsque je faisais les 3 jours du service militaire en vue de devenir coopérant, bien après ceux de ma classe d’âge – j’étais en Maitrise de Lettres à l’époque – j’ai eu la surprise et le plaisir de retrouver un de mes anciens copains, faible scolairement et bon camarade : il était au même niveau universitaire que moi dans le secteur de la boucherie. Cet heureux coup du sort a fissuré ma prétention béate de l’époque à croire que faire des études et obtenir des diplômes ne se cantonnait qu’aux matières académiques et était réservé à celles et ceux qui avaient des bonnes notes en primaire et au collège ; il me faudra comprendre ensuite que réussir des études n’est pas réussir dans la vie, ce qui n’était pas culturellement bien clair pour moi à 25 ans.

Le scolaire comme horoscope professionnel tient toutes ses promesses lorsqu’il concerne les élèves fragiles, de ceux que l’on dit « moyens », avec des résultats parfois qualifiés de corrects sans bénéficier d’un seul coup d’éclat dans leur carrière d’enfant ballotté par les exigences des adultes, des activités et des programmes scolaires. Il suffit que ces élèves ne s’aiment pas, n’aient pas de connaissance de leur fonctionnement, n’aient pas de confiance en eux et le pronostic est plus sûr que ceux dont usait Rabelais pour se moquer des horoscopes de son époque :

  • les ex-élèves faibles ne se sentiront pas professionnellement bien assurés,
  • les ex-élèves ayant eu des notes basses craindront la notation de leurs employeurs,
  • les ex-élèves traumatisés par leurs camarades auront du mal à parier sur la bienveillance de leurs collègues de travail,
  • les ex-élèves dyslexiques auront peur d’avoir à écrire,
  • les ex-élèves dyscalculiques verront avec terreur des opérations à mener,
  • les ex-élèves dyspraxiques se sentiront souvent en situation de maladresse,
  • les ex-élèves dysorthographiques mettront de côté cette question de communication (et s’attireront jugements et réflexions) ou juguleront leur communication écrite,
  • les ex-élèves dysphasiques surprendront parfois leurs collègues par des temps de réflexion assez longs et des réponses peu assurées,
  • les ex-élèves souffrant de troubles autistiques continueront à jeter un regard soucieux sur les règles sociales et les exigences relationnelles – souvent blessé.e.s par le concept violent de « normalité » que l’école puis le monde du travail trimbalent toujours,
  • les ex-élèves HPI touchés par le syndrome de l’imposteur ne comprendront toujours pas pourquoi ils procrastinent et se sentent tellement plus nul.le.s que leurs collègues,
  • tous les autres ex-élèves, de la masse de celles et ceux qui n’ont pas eu de diagnostics ou de problèmes suffisamment patents pour être trouvés, ou pas de famille assez au fait de ces soucis et disponible et assez riche pour les faire suivre, tous ces ex-élèves donc qui ne s’aimaient pas dans leur peau d’élève risqueront de ne pas s’aimer dans leur peau d’étudiant, d’apprenti et de professionnel.

Seuls quelques ex-élèves feront mentir ces prédictions, comme ceux qui, envahis par un trouble de l’attention avec hyperactivité, et qui pourront être sauvés par le gong sonnant la fin de leurs études académiques et une possibilité nouvelle de voir certaines de leurs exigences d’agir et de suivre ce qu’ils aiment faire enfin reconnues – si tant est que le système ne les ait pas convaincus qu’ils étaient à la fois paresseux et nuisibles, incapables et dérangeants, ascolaires et sans avenir.

Est-ce que

  • j’agis avec mes supérieur.e.s hiérarchiques comme je le faisais avec mes professeur.e.s – c’est à dire que je les considère comme des demi-dieux qui selon leurs humeurs peuvent encenser ou humilier le pauvre être insignifiant que je suis ?
  • je retrouve les angoisses de rentrée lorsque j’ai de nouveaux collègues que je devine sûr.e.s de leurs compétences et plus fort.e.s (par définition) que moi ?
  • je me dépêche de rire avec les imbéciles lorsqu’un plus faible que moi est centre de ces risées par peur de revivre cet effondrement interne qui caractérise la situation des victimes relationnelles dans un groupe ?
  • je suis l’imbécile qui se moque ou le gentil qui récupère les collègues humiliés en chuchotant pour les mêmes raisons que supra ?
  • je porte un profil particulier scolaire comme un fardeau secret et douloureux, enviant presque le sort de celles et ceux qui avaient réussi ou échoué sans étiquette, sans aide, et qui exerçaient maintenant naïvement leur métier quelconque sans arrière pensée de culpabilité ou d’injustice ?
  • je n’ai jamais osé avouer que j’ai du mal avec les lettres, les chiffres, l’orthographe, les tableaux à double entrée, l’informatique, l’attention dans les réunions, la compréhension des consignes, la mémorisation des consignes et des tâches ; répondre au téléphone ou appeler m’est une torture mais pas autant que devoir improviser une réponse face à un.e collègue ou à un.e client.e ?
  • je me sens nul.le, pas à ma place, pas digne d’exercer mon métier – le plus terrible étant de vivre dans l’assurance que je suis un imposteur et que l’on va prochainement me démasquer, m’humilier en place publique et montrer enfin à tout le monde que j’ai usurpé mes diplômes et que mes prétentions professionnelles ne sont pas à la hauteur de mes compétences (on remarquera dans ce cas un certain soulagement de voir la vérité des justes enfin jaillir en pleine lumière et mon destin enfin scellé : je vais pouvoir me reposer de cette angoisse sourde qui m’accompagne depuis des années – et de toutes manières je me suis fait bien peu de relations car je savais que ce jour-là ruinerait mon image, il était donc inutile de tisser des liens pour les voir déchirés par la réalité du monde, cruel mais juste) ?
  • je suis enseignant.e et je ne me sens presque toujours en porte-à-faux par rapport à mes supérieurs, ou mes collègues, ou les élèves (et parfois vis à vis de tout ce monde qui vit ce « jour sans fin scolaire » de l’élève qui devient étudiant qui devient enseignant qui devient retraité dans une maison de la MGEN), ne sachant où se situe ma place et ma légitimité ?

Si je réponds oui à l’une ou plusieurs de ces questions, c’est peut-être parce que je vis encore sous l’emprise forte et insidieuse de mon vécu scolaire… Les plus gros problèmes, les traumas de ce passé parfois rude et violent sont certainement à confier à des professionnels de la psychologie, mais d’autres difficultés mineures et pourtant bien limitantes de cet ordre peuvent être travaillées puis résolues dans une démarche de coaching.

Plusieurs situations de coaching sont en jeu :

  • soit que je rencontre des croyances limitantes de cet ordre au détour d’un suivi,
  • soit que le processus soit lui-même centré autour d’une libération de ce passé limitant,
  • soit que je pressente dans mon accompagnement des attachements émotionnels liés à la période scolaire de la cliente ou du client, relationnellement ou scolairement parlant.

démarche :

  • écouter et déceler chez les clients les croyances limitantes générées par leur scolarité (sur les autres, la notion d’adulte, d’apprentissage, concernant leur estime d’eux, leurs compétences…)
  • proposer une démarche de libération de pensée vis à vis de ces croyances limitantes
  • proposer des outils permettant aux clients de remettre dans le passé ce qui s’est passé avant, comme le propose M. Steve Wells en tapping (méthode IEP)
  • permettre aux clients de voir en face leur vécu scolaire, de l’accepter et de le dépasser par une compréhension des résidus encore envahissants même s’ils agissent en surface ; une technique comme l’IFS permet de comprendre que je garde encore des réflexes de mon vécu d’écolier alors que je suis manager (pas toujours à l’aise) dans une grande entreprise…
  • présenter des situations-miroirs aux client.e.s leur permet de se situer dans une suite de vécus qui au final n’étaient pas dus à leur nullité ou à la fatalité – le camarade qui me faisait peur et qui m’a demandé des feuilles et des fournitures pendant 3 ans a bien exercé sur moi une forme de racket…
  • utiliser les outils traditionnels de développement personnel que l’on préfère dans notre métier pour réaffirmer les appuis fondamentaux des clients : valeurs et passions en regard des limitations et de la morale du monde scolaire, construction d’un regard personnel que le client va commencer à s’autoriser sur un avenir autonome (sans attendre la validation d’un conseil de classe ou d’un orientateur, ou le déclic d’une vocation que semblaient appeler de leurs vœux les professeurs principaux embarrassés par des armées d’indécis boutonneux sans jamais leur donner des outils de compréhension des métiers et du monde du travail des adultes).
  • ne pas tomber dans le travers de creuser ou de raviver le passé scolaire des client.e.s : si un tel travail est nécessaire, il reste thérapeutique et le travail des coachs consiste alors à accompagner le client dans la décision de travailler ce passé avec des professionnels psychologues. On ne cherche pas à savoir ce qui s’est passé de façon systématique mais on recueille les éléments qui font sens pour le client et qui lui donnent une distance par la métacognition sur leur présent.
  • C’est toujours intéressant de travailler dans une démarche de pardon et d’amour de soi : pardonner les autres mais surtout pardonner notre enfant scolaire de ce qu’il a vécu. Il s’agit d’accepter le vécu de cet enfant-scolaire, d’accepter de l’aimer (la seule personne qui peut remplir un manque d’amour vécu anciennement est soi-même) et de l’aimer. Bien entendu cette étape ne peut se construire que dans une situation qui respecte l’écologie du client (on ne demande pas au client de s’aimer, mais plutôt de chercher qui pouvait l’aimer ou avoir sur lui un regard positif à l’époque, qui peut encore avoir ce regard ou cette énergie d’amour maintenant…). L’idée principale est de permettre au client de développer une douceur de reconnaissance envers les situations scolaires vécues et une reconnaissance qu’elles ont été vécues AVANT, que rien maintenant ne les oblige à reproduire leurs stratégies d’avant).
  • Il y a, parallèlement à ces éléments de reconnaissance, une démarche de reconstruction à mener avec, comme dans tout coaching, la part belle à l’autonomie des clients : « En fait je n’ai pas à regarder mon supérieur hiérarchique comme un prof des écoles qui va encore me taper sur les doigts devant toute une classe ! Et si il le fait alors c’est lui qui a un souci avec sa scolarité et je pourrai réagir face à lui comme un adulte et non comme un enfant apeuré et faible ! ».

C’est cette démarche que je vous propose, nourrie de mon expérience et des outils de formation des coachs certifiés, assaisonnée de mes trouvailles et des adaptations que je pratique pour individualiser mes suivis d’accompagnement !

voir mes coordonnées en cliquant sur le lien : https://adapscol.wordpress.com/

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Une réflexion sur “Profession et héritage scolaire : n’est-il pas temps de poser son sac d’écolier quand on entre dans le monde du travail ?

  1. Merci pour cet article qui démontre à quel point les enfants et adolescents ont besoin d’être entourés de guides congruents pour devenir eux-mêmes des adultes bien dans leurs baskets.
    Et si ce ne peut être le cas, rien est perdu, le changement est perpétuel, il suffit de prendre du recul et de revoir ses interprétations.
    Votre approche est innovante et mériterait d’être largement diffusée.

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